Le président chilien Salvador Allende parle devant l'Assemblée générale de l'ONU à New York le 4 décembre 1972. Élu en 1970 à la tête d'une coalition de gauche, l'Unité Populaire, Allende meurt lors du coup d'État du 11 septembre 1973. Le Chili devient une dictature militaire jusqu'en 1990. Deux raisons peuvent expliquer le destin tragique d'Allende : d'une part qu'il ait entrepris des réformes radicales alors qu'il ne disposait que d'une majorité relative dans un pays profondément divisé ; d'autre part, à l'échelle mondiale, le contexte de la Guerre froide, dans lequel les États-Unis ne pouvaient pas tolérer l'existence d'un nouveau gouvernement pro-soviétique (après celui de Cuba) en Amérique latine.
Premières HGGSP
Thème 1 : Comprendre un régime politique : la démocratie.
Jeudi 2 octobre 2025
Axe 2 | Avancées et reculs des démocraties
A. L’inquiétude de Tocqueville : de la démocratie à la tyrannie ? Une analyse politique.
Quelles sont les raisons de craindre un retour de la tyrannie dans une démocratie ? Comment l'éviter ? Et comment rendre compatibles égalité et liberté ?
➪ LIRE : Tocqueville (1805-1859), tyrannie et despotisme, textes présentés par Raymond Aron (1905-1983).
Lundi 6 octobre
Tocqueville (1805-1859)
- noble, une famille décimée par la Révolution ;
- un juriste, fils de préfet napoléonien (puis au service de la Restauration); En latin, jus = le droit. Donc le juriste est celui qui a étudié le droit.
- un libéral : il met la liberté au 1er rang des valeurs politiques. Il approuve la révolution de 1789, celle des droits de l’homme et de la monarchie constitutionnelle.
- il n’a aucune chance de faire carrière sous une monarche conservatrice il part en Amérique, pour un voyage d’étude. son livre, De la démocratie en Amérique (1835 et 1840). Pour Tocqueville, la démocratie est avant tout l’égalité des conditions (un état social avant d’être un régime politique). L’Amérique est l’avenir de la F ; elle va devenir une démocratie.
- En 1848, Tocqueville se rallie à la IIe République et devient brièvement ministre des Affaires étrangères. Auparavant, il a été député sous la monarchie de Juillet (1830-1848). Il se retire de la vie politique après le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851. Il meurt huit ans après.
- Deux idées fondamentales :
- T. craint la « tyrannie de la majorité ». Il faut respecter les minorités. Le pouvoir doit pouvoir toujours changer de main.
- T. redoute aussi le « despotisme démocratique ». La démocratie peut insensiblement transformer les citoyens en sujets passifs.
Interrogation écrite
- Pour Benjamin Constant, qu’est-ce qui distingue la liberté des Anciens et celle des Modernes ?
- Peut-on dire que Périclès était un dictateur ?
- Comment Tocqueville, né noble, est-il devenu démocrate ?
- Comment Tocqueville voit-il l’avenir de la France ?
- Comment faut-il comprendre la notion de « despotisme démocratique » ?
- Quelle peut-être l’utilité de la critique de la démocratie par Tocqueville aujourd’hui ?
Jeudi 8 octobre
Devoir en deux heures sur l'axe 1.
Lundi 13 octobre

Séance en salle polyvalente : rencontre avec l'historien Jean-Yves Guengant, ancien proviseur du lycée (2004-2015). Il vient nous parler de son dernier livre, Le Kommando de Landerneau (éditions Skol Vreiz, 2025), sur les auxiliaires bretons de la Wehrmacht pendant l'été 1944, juste avant la libération de la Bretagne par les Américains.
Jeudi 16 octobre (revu le 3 novembre)
B. Crises et fin de la démocratie : le Chili de 1970 à 1973.
Pourquoi la démocratie chilienne a-t-elle été renversée le 11 septembre 1973 ?
❑ Les démocraties peuvent disparaître. Exemples dans l'histoire européenne : 1936, le coup d'État de Franco contre la république espagnole ; 1933, l'arrivée d'Hitler au pouvoir dans la légalité (la droite, qui craint la gauche, lui donne le pouvoir).
❑ Au Chili, en 1970, Salvador Allende est élu président à la tête d'une coalition de gauche, l'Unité populaire. C'est un socialiste marxiste, allié aux communistes et à des mouvements révolutionnaires. Il arrive en tête avec 36% des voix.
❑ Donc Allende a une majorité relative dans un pays divisé. Or, il applique un programme radical, fondé sur des nationalisations, qui porte atteinte aux intérêts économiques de la bourgeoisie chilienne et des multinationales américaines.
➙ Voir la carte du monde. Un changement d'échelle pour comprendre le contexte géopolitique.
➙ Voir le document caviardé (censuré) de la National Security Agency, un service secret américain comme la CIA. Il prouve que l'administration américaine de Nixon a lancé dès l'élection d'Allende une opération secrète destinée à le renverser. Les États-Unis ne voulaient pas d'un second pays communiste en Amérique latine.
➙ La une du Monde au lendemain du coup d'État.
lundi 3 novembre
❑ Nous abordons cette partie du programme en vue d'une dissertation, dont la fiche-méthode (utilisable lors du premier devoir de ce type) est distribuée aujourd'hui.
Nous commençons par une reprise sur la crise de la démocratie chilienne.
Pourquoi la démocratie chilienne a-t-elle été renversée par un coup d’État ?
Le contexte :
- à l’échelle locale : le Chili, un pays en voie de développement.
- 1970 : le candidat de gauche, Salvador Allende, est élu.
- Mais une victoire avec une majorité relative : 36% des voix.
Or le programme d’Allende est radical : il veut « faire la révolution par la loi ».
⇒ il nationalise des mines, redistribue des terres (par une réforme agraire).
⇒ mécontentement du patronat, des propriétaires fonciers, des multiinationales américaines (cuivre). Mais aussi d’une partie des classes moyennes, à cause de l’inflation qui suit.
et à l’échelle internationale : Allende se rapproche de Cuba et de son régime communiste
⇒ exaspération des Américains, déjà hostiles à sa politique économique.
Or, les Américains considèrent l’Amérique latine (« l’hémisphère occidental ») comme leur zone d’influence. Cuba devait rester une exception.
Et l’URSS n’était pas prête à soutenir Allende comme elle avait soutenu Fidel Castro. C’était la guerre froide, chaque superpuissance s’interdisait de porter atteinte à la zone d’influence de l’autre.
❑ Le résultat :
- dès 1970, Washington décide de soutenir des opérations subversives contre Allende, sans intervenir directement.
- 11 septembre 1973 : le coup d’État de Pinochet, chef de l’armée. Il fait suite à des grèves qui ont paralysé le gouvernement (gvt) d’Allende, grèves soutenues par l’argent américain. Washington avait aussi fait baisser le cours du cuivre pour appauvrir l’État chilien. (Les cours des matières premières à l’échelle mondiale sont largement fixés à la bourse de Chicago).
⇒ une dictature qui dure jusqu’en 1990 (fin de la guerre froide). Jusque-là, les E-U ont soutenu Pinochet aussi fortement qu’ils avaient déstabilisé le gvt d’Allende.
C. De la dictature à la démocratie : le Portugal et l'Espagne (1974-1977).
Pourquoi les pays ibériques ont-ils connu une évolution contraire à celle du Chili ?
- le contexte international est le même : la GF.
- Les Américains auraient pu craindre la dérive du Portugal et de l’Espagne vers le communisme, et soutenir une prolongation des dictatures de Salazar et Franco, après leur mort.
- Mais le contexte local était différent au Portugal et en Espagne :
❑ (1) Au Portugal, la dictature de Salazar datait de 1930. Elle s’était installée sans guerre civile. Elle était traditionaliste et impérialiste (colonies africaines surtout). C’était un régime très conservateur, mais pas fasciste (Salazar est neutre pendant la 2e GM, mais plus proche des Anglais et des Américains, auxquels il prête les Açores, au milieu de l’Atlantique).
Mais après la mort de Salazar (1970), son successeur Marcelo Caetano est confronté à la révolte des colonies africaines. le Portugal, pauvre, n’a pas les moyens de faire face ⇒ mécontentement de l’armée, qui tend vers la gauche.
⇒ 1974 : la révolution des Œillets, une rév° qui fait peu de morts, et qui est populaire (l’armée et le peuple voulaient la paix). Le général Eanes, nouveau chef de l’État, dirige une transition démocratique.
⇒ 1976, l’élection d’une majorité socialiste avec le Premier ministre Mario Soares. Celui-ci prépare l’adhésion du Portugal à l’Europe (la CEE), chose faite en 1986. Eanes et Soares rassurent les Américains : le Portugal reste dans l’OTAN.

16 juillet 1976 : le premier gouvernement démocratique portugais, dirigé par Mario Soares.
❑ (2) En Espagne, la dictature de Franco était arrivée au pouvoir par une guerre civile (1936-1939), grâce à l’aide des fascistes et des nazis : autour d’un million de morts. Un régime très dur, qui s’abstient cependant de lier son sort à l’Allemagne nazie. ⇔ un traumatisme.
1975 : Franco meurt. Il a désigné le prince Juan Carlos comme son successeur. Que va faire le prince devenu roi ?
- Il nomme un Premier ministre phalangiste, Adolfo Suarez, ce qui rassure les franquistes.
- Mais Suarez est en fait un centriste, favorable à la démocratie.
- Secrètement, le roi et son PM négocient avec le chef communiste Santiago Carrillo, principal opposant à la dictature et exilé.
- Et aussi avec le dirigeant socialiste Felipe González.
⇒ un compromis en trois points :
- retour à la démocratie (1res élections libres en 1978) ;
- acceptation de la monarchie par les anciens républicains ;
- une amnistie valable pour les opposants au franquisme, mais aussi pour les franquistes (qui ne seront donc pas jugés ni condamnés).

Un symbole du « consensus » : la poignée de main entre le leader communiste Santiago Carrillo (à gauche) et le Premier ministre phalangiste Adolfo Suarez le 22 décembre 1976.
❑ C’est le « consensus ». Mais…
- le coup d’État de 1981 montre que les franquistes sont tjs là. C’est Juan Carlos qui fait échouer le coup d’État. A la télévision, il ordonne à l’armée de respecter la constitution.
- La constitution ne donne pas aux régions une autonomie suffisante, d’où le terrorisme basque (qui continue sous la démocratie) et l’autonomisme catalan.
- En 1982, Felipe González gagne les élections législatives et devient PM. Il est le 1er PM antifranquiste, signe du succès de la démocratie. Il fait entrer l’Espagne dans la CEE en 1986. Le soutien des pays européens et de l’Allemagne (à travers les syndicats et le parti social-démocrate SPD) a été décisif. L’Europe accompagne la démocratisation, comme au Portugal et auparavant en Grèce (1981).

L'intervention télévisée où le roi Juan Carlos appelle l'armée au respect de la constitution après la tentative de coup d'État du 23 février 1981. En uniforme, Juan Carlos utilise sa légitimité de roi et de chef des armées pour sauver la démocratie.
- Washington a préféré jouer la carte de la démocratie en Espagne et au Portugal :
- pour ne pas heurter les alliés européens des E-U ;
- parce que le risque d’installation de régimes communistes (qu’ils n’auraient peut-être pas acceptés) était faible. Espagnols et Portugais avaient fait savoir qu’ils resteraient dans l’OTAN.
➙ Devoir de type dissertation le lundi 24 novembre en salle 238. Programme : thème 1, la démocratie ; axe 2 et étude conclusive (avancées et reculs de la démocratie, l'Union européenne et la démocratie). Ce devoir sera le dernier du 1er trimestre.