
Le mémorial soviétique de Stralsund, dans le nord-est de l'Allemagne. Ce monument commémore les soldats de l'Armée rouge morts aux environs de Stralsund en 1945. La ville fut conquise à l'extrême fin de la guerre, le 1er mai 1945, presque sans combats. Dès 1947, il fut décidé par les autorités de la zone d'occupation soviétique de créer un cimetière militaire associé à un mémorial, juste devant l'église Sainte-Marie, l'une des principales de la ville. En 1967, la République Démocratique Allemande (RDA) décide, d'un commun accord avec l'URSS, d'ériger un nouveau monument, un obélisque orné d'un bas-relief. Celui-ci représente un soldat de l'Armée rouge, portant une mitrailleuse d'une main. Le soldat tend l'autre main à un civil allemand. Le monument prenait ainsi une nouvelle signification : l'Armée rouge n'avait pas seulement conquis la ville, elle avait libéré sa population du régime nazi. C'était aussi une manière de justifier la présence permanente de l'Armée rouge en RDA tout au long de la Guerre froide.
On voit donc que la mémoire se prête à des manipulations. L'histoire nous enseigne que les Allemands opposèrent une résistance acharnée à l'avance soviétique. Et ce n'était pas tant par attachement à Hitler que parce qu'ils étaient effrayés par la brutalité des Soviétiques, eux-mêmes enclins à venger les plus de vingt millions de morts consécutifs à l'invasion nazie. Les soldats de l'Armée rouge violèrent des centaines de milliers de femmes allemandes. Si Stralsund ne résista guère, ce fut sans doute parce que l'on se disait que tout était fini. L'amitié germano-soviétique fut dans la période suivante essentielle pour la RDA dont la population – on le vit en 1989 – aspirait à la réunification sous un régime de liberté. Depuis la réunification allemande en 1990, on a pensé à faire disparaître le mémorial soviétique qui est à l'abandon, de même que les tombes du cimetière. Mais le mémorial est désormais partie intégrante d'un site classé depuis 2002 au patrimoine mondial de l'UNESCO : les cœurs historiques de Stralsund et Wismar. Malgré le peu d'enthousiasme des Allemands, auquel il faut ajouter les mauvaises relations avec Moscou depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, il n'est donc pas possible de le détruire. Ce serait illégal, et les Allemands ne veulent pas donner l'impression de porter atteinte à la mémoire de la Seconde guerre mondiale.
Terminales géopolitiques
Thème 3 : histoire et mémoires
Introduction : histoire et mémoires, histoire et justice.