1er décembre 2022

 

Étude conclusive. Le Moyen Orient : conflits régionaux et tentatives de paix.

 

 

Le 19 novembre 1977 au soir, Anouar el-Sadate, président («raïs») de l'Égypte arrive à Tel Aviv. Il serre la main de Menahem Begin, Premier ministre d'Israël. Sadate tire ainsi les leçons de la guerre du Kippour, dernière tentative de l'Égypte pour résoudre militairement le conflit israélo-arabe. Cette visite aboutit aux accords de paix de Camp David (17 septembre 1978) conclus sous l'égide du président américain Jimmy Carter. Israël y gagne la sécurité sur son flanc sud et la rupture du front uni des pays arabes. Sadate obtient la rétrocession du Sinaï conquis par Israël en 1967 et l'aide économique et militaire des États-Unis. Le président égyptien paie le prix de son audace : ses anciens alliés arabes lui reprochent cette paix séparée comme une trahison. Même à l'intérieur de l'Égypte, la colère gronde : le 6 octobre 1981, Sadate est abattu par des militaires égyptiens islamistes.
 
Pourtant, cette paix a tenu. Depuis 1978, d'autres États arabes ont fait la paix avec Israël et, comme l'Égypte, noué des relations diplomatiques avec l'État hébreu. La Jordanie a fait la paix avec Israël en 1994 ; en décembre 2020, par les accords d'Abraham, soutenus par l'administration Trump, le Maroc, les Émirats Arabes Unis, mais aussi Bahreïn et le Soudan, ont à leur tour emboîté le pas. L'objectif d'Israël est d'être reconnu par ses voisins du Moyen-Orient, et plus largement du monde arabe, comme un État légitime. L'Arabie Saoudite n'est pas allée jusqu'à établir des relations diplomatiques avec Israël, mais elle apprécie l'aide technologique que lui apporte ce dernier dans la guerre contre les rebelles houthis du Yémen, des chiites soutenus par l'Iran. Le processus de paix israélo-palestinien a échoué, mais la diplomatie israélo-arabe progresse.

Les guerres israélo-arabes de 1948 à 1978. Quelques éléments à retenir :

  1. Le contexte est celui de la Guerre froide : l'URSS soutient les pays arabes à partir de la crise de Suez ; les États-Unis soutiennent Israël, surtout à partir de 1967. Les guerres israélo-arabes sont donc des conflits périphériques de la Guerre froide.
  2. La guerre des Six jours (1967) marque un tournant. De Gaulle interrompt la coopération militaire franco-israélienne, au motif qu'Israël a été l'agresseur. Mais d'autres raisons interviennent : la France vuet privilégier sa «politique arabe» parce qu'elle a besoin de pétrole ; la fin de la guerre d'Algérie a diminué les tensions avec les États arabes.
  3. Israël n'a pas le droit à l'erreur : une seule défaite et l'État hébreu serait rayé de la carte, alors que les pays arabes peuvent encaisser les défaites sans risquer leur propre existence.
  4. La question palestinienne est souvent présentée comme centrale, alors que les États arabes s'en servent pour les besoins de leur propre stratégie. Celle de Nasser était le panarabisme : rassembler les Arabes dans une même puissance, la République Arabe Unie. A partir de 1977, la nouvelle stratégie de Sadate rompt l'unité du «front arabe».

 

2 décembre 2022

 

Séance consacrée aux derniers oraux du premier trimestre. Cours mis à jour sur ProNote.

➣ Compléments : compte-rendu de lecture de La guerre Iran-Irak, Première guerre du Golfe 1980-1988 de Pierre Razoux, Paris, éditions Perrin, 2013.
Les guerres israélo-arabes en cartes sur le site de West Point, l'école militaire de l'armée américaine.
La cartothèque de l'American-israeli Cooperative Enterprise (AICE), un think tank et un lobby créé en 1993 pour entretenir l'alliance entre les États-Unis et Israël. Ce site est en lui-même un exemple de la relation stratégique entre Washington et l'État hébreu.

➣ Les limites du processus de paix israélo-palestinien : carte du Centre d'étude sur les relations internationales (CERI) de Sciences Po, publiée par la revue Carto en 2013, sur l'isolement de Ramallah, la capitale de l'autorité palestinienne.

 

5 décembre 2022

 

➣ Exemple d'étude critique sur la guerre du Golfe : un extrait des mémoires du ministre français de la Défense nationale, Jean-Pierre Chevènement, et une photographie prise par l'US Army pendant le conflit.

 

8 décembre 2022

 

Devoir type étude critique sur le thème 2, la guerre.

 

9 décembre 2022

 

Le conflit israélo-palestinien. Les notes de cours mises à jour sont sur ProNote.

 

Dessin de Plantu pour Le Monde en 1990. Le dessinateur se moque du ministre français de la Défense nationale, Jean-Pierre Chevènement. Celui-ci désapprouve la participation française à la coalition pour libérer le Koweit, conduite par les États-Unis. Il démissionne avant le début de l'intervention militaire. Dans ce dessin, Plantu ridiculise Chevènement. Mais les questions posées par ce dernier étaient-elles ridicules ? Était-il bon que la France suive les États-Unis ? Devait-elle s'allier avec les monarchies pétrolières du Golfe contre un régime «progressiste» ? À l'époque, les médias occidentaux font résolument le choix de la guerre contre l'Irak, en comparant Saddam Hussein à Hitler, comme en témoigne la carte postale ci-dessous, diffusée aux États-Unis et en Grande-Bretagne en 1990.
 
Le choix fait par François Mitterrand pendant la guerre du Golfe inaugurait ce qu'allait être la politique étrangère de la France au XXIe siècle, beaucoup plus alignée sur les États-Unis qu'elle ne l'avait été pendant la Guerre froide. En 1966, De Gaulle avait retiré la France du commandement intégré de l'OTAN (sans remettre en question la participation de la France à l'Alliance atlantique) ; en 2009, la France est revenue dans l'OTAN sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

 

12 décembre 2022

 

 

«Tirs de perturbation à Camp David». En 1977, le caricaturiste Fritz Behrendt présente l'action de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), créée en 1964 et représentée par son chef Yasser Arafat, comme une tentative de sabotage du rapprochement israélo-égyptien en cours et marqué l'année suivante par la conclusion des Accords de paix de Camp David (Maryland). Le caricaturiste allemand a malicieusement représenté Sadate (à gauche) et Begin (à droite) d'après la fresque de Michel-Ange, La création d'Adam. Ce dessin est manifestement hostile aux Palestiniens, ce qui se voit dans la caricature féroce de Yasser Arafat en nain excité ou fou dangereux. L'Allemagne de l'Ouest a subi dans les années Soixante-dix des attentats d'origine palestinienne : celui qui vise les athlètes israéliens aux JO de Munich en 1972, ou encore le détournement d'un Boeing de la Lufthansa en octobre 1977. Enfin, le terrorisme d'extrême gauche qui sévit en RFA dans la même période revendique la solidarité avec la cause palestinienne. Les attentats de la «Fraction armée rouge» ou bande à Baader connaissent leur apogée à l'automne 1977. [En allemand: la page du musée historique de Berlin sur l'«automne allemand».]

Le conflit israélo-palestinien (suite et fin).

 

➣ Le point de vue critique de l'historien israélien Ilan Greilsamer sur l'historiographie israélienne (version annotée).

 

15 décembre 2022

 

➣ Quelles perspectives de paix au Moyen-Orient ? (Fin du thème 2).

Résumé : le Moyen-Orient apparaît au premier abord comme une région agitée par d'interminables conflits. Pourquoi ces conflits ? Existe-t-il des perspectives de paix ?

La difficulté à faire la paix tient entre autres à l'absence de puissance régionale capable d'organiser la région. Dans l'Union européenne, l'Allemagne exerce un leadership économique (elle compte pour 30% environ du PIB de l'UE). Or, au Moyen-Orient, aucune puissance n'est en situation de s'imposer. En effet :

  1. La Turquie a succédé à l'Empire ottoman, ancienne puissance impériale. Pour cette raison, et parce qu'elle n'est pas arabe, son hégémonie est rejetée par ses voisins qui se souviennent du joug ottoman. Les opérations militaires turques contre les Kurdes en Irak ou en Syrie accroissent la méfiance des pays arabes.
  2. L'Iran est chiite et lui aussi n'est pas arabe. L'Iran exerce une influence sur les chiites d'Irak et de Syrie, sur ceux du Liban via le Hezbollah ; il existe aussi des chiites à Bahrein et au Yemen (les rebelles houthis). L'Iran soutien aussi le Hamas à Gaza. Mais dans l'ensemble, les arabes sunnites rejettent l'idée d'une hégémonie iranienne et chiite.
  3. L'Arabie Saoudite bénéficie de la manne pétrolière et abrite les lieux saints de l'Islam, La Mecque et Médine, mais son modèle wahabite, qu'elle partage avec le Qatar, n'est guère attrayant. Son allié américain se méfie d'elle depuis le Onze-septembre (Ben Laden était saoudien). L'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi sur ordre du prince héritier Mohammed Ben Salman a aggravé le discrédit du régime saoudien, qui essaie d'améliorer son image en s'ouvrant à des événements internationaux comme le Paris-Dakar.
  4. Le Qatar a poussé assez loin l'ouverture par le sport, en accueillant la coupe du monde de football. Il bénéficie des troisièmes réserves de gaz naturel du monde. Doha est devenu un hub mondial, soutenu par la compagnie Qatar Airways. Mais l'émirat est desservi par sa petite taille, son islam rigoriste, homophobe et misogyne, et par le récent scandale autour d'affaires de corruption au parlement européen.
  5. L'Égypte est trop pauvre, trop dépendante des États-Unis. Elle est également, de ce fait, divisée entre une dictature militaire et une opposition islamiste structurée autour des Frères musulmans.
  6. Israël est une grande puissance économique, technologique et militaire, mais est isolé du fait de son identité juive dans une région majoritairement musulmane. Malgré les difficultés des Palestiniens, Israël reste confronté à la lutte armée à ses frontières nord (Hezbollah) et Sud (Hamas).

Peut-être la région pourrait-elle malgré tout évoluer vers un ordre de type westphalien. En effet, les pays israélo-arabes se multiplient : avec l'Égypte en 1979, avec la Jordanie en 1994, les Émirats arabes unis et Bahrein, auxquels s'est joint le Maroc, en 2020 (accords d'Abraham). Les États-Unis, de Carter à Trump, ont accompagné cette diplomatie qui, contrairement à leurs interventions militaires directes, a donné des résultats. Israël parvient progressivement à se faire reconnaître comme un État légitime dans la région. Les Palestiniens sont manifestement les grands perdants de cette évolution. Pourtant, le processus de paix issu des accords d'Oslo, malgré les tensions liées à la colonisation juive en Cisjordanie, n'a pas été abrogé. Sa relance reste une option possible.

➣ Correction du devoir du 8 décembre : voir en page méthode de l'étude critique de documents.

 

 

Quelle stratégie pour la France au Moyen-Orient ?

 

Christian Malis (1967-2017) était un historien, mais aussi un colonel de réserve, directeur des études stratégiques et responsable de la cyberdéfense chez Thalès. Dans Guerre et stratégie au XXIe siècle (Paris, Fayard, 2014), il analysait le monde du début du XXIe siècle et, dans cet extrait, se demandait quelle stratégie la France devrait suivre au Moyen-Orient.

 

 Les interventions en Libye, au Mali et en Centre-Afrique préfigurent les opérations militaires futures et doivent s’inscrire dans une perspective nouvelle. Une politique arabe rénovée devrait consister dans un soutien déterminé au mouvement des révolutions démocratiques qui se trouvent à la lutte avec l’islamisme politique. Cette lutte est comparable, par son importance historique, à la libération de l’Europe de l’Est du communisme. Cela suppose de remettre à plat une politique de quasi-alliance avec les deux vecteurs les plus nets de l’intégrisme islamique wahhabite  l’Europe de l’Est du communisme. Cela suppose de remettre à plat une politique de quasi-alliance avec les deux vecteurs les plus nets de l’intégrisme islamique wahhabite que sont le Qatar et l’Arabie saoudite, qui soutiennent propagande et lutte armée de nombreux groupes fondamentalistes (Libye, Syrie, Pakistan). La proximité avec le monde arabe passe aussi par la poursuite du soutien à la cause palestinienne, facilement instrumentalisée pour l’idéologie islamique et la prépondérance régionale par Riyad, Ankara, Téhéran et l’éphémère Égypte de Mohammed Morsi.

Enfin, il s’agit d’adopter de manière franche une attitude de protection des minorités religieuses dont l’éradication, en cours au Moyen-Orient, accélérerait une confrontation civilisationnelle Islam/Occident. Nicolas Sarkozy avait amorcé une telle politique dans son discours dénonçant l’épuration religieuse des chrétiens d’Orient (7 janvier 2011). La France pourrait proposer à l’Europe de prendre l’initiative d’une sorte de « plan Marshall » pour les États des « printemps arabes », conditionnant l’aide économique au progrès de la démocratie et à la protection des minorités religieuses.

Quelles alliances régionales seraient susceptibles d’appuyer la politique française ? Deux puissances pourraient dans l’avenir devenir plus proches de Paris. L’Algérie, d’une part, qui a fini par faciliter l’intervention militaire française au Mali, serait l’allié le plus naturel compte tenu des liens historiques, des relations énergétiques (gaz algérien), des échanges (la France est le premier investisseur étranger) et du prix fort (cent mille morts) payé par Alger pour écraser l’islamisme politique dans les années 1990. Mais, pour le moment, le régime sclérosé d’Alger préfère instrumentaliser l’hostilité envers l’ancienne puissance tutélaire pour renforcer ses appuis intérieurs et donner des gages à l’intégrisme par une islamisation forcée de la vie sociale. L’Iran, d’autre part, était une puissance alliée de Paris avant la République islamique. La nécessaire réinsertion de Téhéran dans le concert des nations est devenue plus crédible avec l’accord sur le dossier nucléaire de novembre 2013. Quel intérêt Paris a-t-il à prendre la tête d’une opposition à la politique nucléaire de Téhéran (un tournant qui date de la présidence Sarkozy), alors que la République islamique possède nombre des clefs de solution pour la Syrie et le Liban ? Une recomposition de la géopolitique moyen-orientale autour d’un axe Washington-Ankara-Téhéran-Tel-Aviv, avec l’appui de l’Inde et de la Russie, n’est absolument pas à exclure. Elle pourrait enfermer Paris dans une relation trop exclusive avec des pétromonarchies (Arabie, Qatar) apportant un soutien dangereux à l'extrémisme sunnite. À plus long terme, l’Iran pourrait être, comme en 1979, le pays des surprises, abandonnant la théocratie actuelle – qui n’est pas dans la tradition du chiisme – au profit d’un régime expérimentant une véritable laïcité.

 

16 décembre 2022

 

➣ La géopolitique sur grand écran. Séance au cinéma Les Studios : La Conspiration du Caire, de Tarik Saleh.

Tarik Saleh est un cinéaste égyptien exilé en Suède. Le film صبي من الجنة ( Walad min al Janna ), «Le garçon venant du paradis» est un thriller politique, tourné en Turquie : à l’université al-Azhar, le Grand Imam meurt subitement. La succession est ouverte. Les services secrets égyptiens veulent favoriser leur candidat et empêcher l’élection d’un frère musulman. Pour ce faire, la colonel Ibrahim manipule un jeune étudiant en religion (un taliban donc!) issu d’une famille de pauvres pêcheurs du delta. Celui-ci a fort à faire pour gagner les confiance des islamistes, déjouer leurs machinations, échapper à leurs représailles, tout en évitant d’être liquidé par les services secrets lorsqu’ils n’auront plus besoin de lui. L’adolescent candide se transforme en tête politique.

Ce film montre les relations entre religion et politique dans le contexte d'un pays musulman. L'Égypte est le pays où est né le mouvement des frères musulmans, fondé par Hassan al-Bannâ en 1928. Le film évoque un autre chef historique des Frères, Sayyid Qutb, pendu par le régime de Nasser en 1966. Dans de nombreux États musulmans, l'islamisme est une force politique essentielle. En Égypte, le Printemps arabe de 2011 le porte au pouvoir. Au dictateur Hosni Moubarak, issu de l'armée, succède Mohammed Morsi, un frère musulman. Celui-ci est renversé en 2013 par le coup d'État militaire du maréchal Abdel Fattah al-Sissi, le chef d'État dont les portraits apparaissent dans le film. Celui-ci maintient les grandes directions de la politique étrangère égyptienne depuis Sadate et les accords de Camp David en 1978 : alliance américaine (dont l'Égypte a besoin pour se nourrir) et paix avec Israël.

Tarik Saleh s'est inspiré de deux auteurs : John Le Carré pour ses histoires de taupes (ou agents infiltrés, les Égyptiens parlent d'«anges») ; Umberto Eco dont le roman Le nom de la Rose avait été porté à l'écran dans les années Quatre-vingt par Jean-Jacques Annaud. Le colonel Ibrahim (joué par l'acteur Farès Farès) tient ainsi le rôle du théologien-enquêteur Guillaume de Baskerville (interprété par Sean Connery dans le film d'Annaud) dans l'intrigue d'Eco.