7 novembre 2022

 

Axe 1 | La dimension politique de la guerre : des conflits inter-étatiques aux enjeux transnationaux.

 

La guerre de Sept Ans (1756-1763) résumée en cartes (animation montrée en classe, 9'10").

Edmond Dziembowski résume les aspects essentiels de la guerre de sept Ans, après la publication de son livre sur le sujet (Blois, octobre 2015, 5'26").

 

Frédéric II de Prusse conduisant ses troupes à Zorndorf (25 août 1758) contre les Russes. Cette image allemande du XXe siècle, juste après la 1re Guerre mondiale, est caractéristique de l'image du roi chez les nationalistes allemands de l'époque, parmi lesquels les futurs nazis. Pour ces derniers, Frédéric est non seulement un grand stratège, mais aussi un héros, capable de risquer sa vie pour donner l'exemple sur le champ de bataille. La réalité est moins glorieuse. La victoire de Zorndorf fut surtout une véritable boucherie : peut-être onze mille morts chez les Prussiens, le double parmi les Russes.
 
Frédéric portait une lourde responsabilité dans le déclenchement de la guerre, puisqu'il avait agressé ses voisins : conquis la Silésie aux dépens de l'Autriche et occupé la Saxe. Ces initiatives étaient téméraires. Il se retrouva bientôt face à une coalition de l'Autriche, de la France, de la Russie et de la Suède. Ses seuls alliés, les Anglais, étaient loin. Frédéric dut son salut à une stratégie d'usure, manœuvrant pour dissocier ses ennemis, livrant bataille le moins souvent possible – on est loin de l'image ci-dessus ! – pour économiser ses maigres forces. Frédéric, dont la situation semblait désespérée, parvint à se tirer d'affaire par cette stratégie prudente. Il eut aussi beaucoup de chance : en 1761, son ennemie la tsarine Elisabeth mourut subitement. Comme ses autres adversaires étaient fatigués de se battre, la coalition anti-prussienne se défit. Et en 1763, Frédéric conclut avec l'Autriche la paix de Hubertsbourg. Il rendait son indépendance à la Saxe, mais conservait la Silésie, en reconnaissant la légitimité de Marie-Thérèse sur l'Autriche. Contrairement à sa réputation, le génie de Frédéric II fut plus politique que militaire, et il consista surtout à surmonter les conséquences potentiellement désastreuses – en 1761, on pouvait se demander si la Prusse ne serait pas rayée de la carte – des risques énormes qu'il avait pris en déclenchant la guerre.

 

10 novembre 2022

 

Clausewitz (1780-1831) et Raymond Aron (1905-1983). Le premier, contemporain de Napoléon, est partagé entre haine et admiration vis-à-vis de l'Empereur. Prisonnier après la bataille d'Iéna (1806), Clausewitz préfère rejoindre l'armée du tsar plutôt que de collaborer avec la France impériale. Après la défaite de Napoléon en 1815, il travaille à son œuvre majeure, De la guerre, une théorie de la guerre, encore inachevée quand il meurt du choléra en 1831. Deux conclusions majeures ressortent de ses réflexions : la guerre est un acte de nature politique ; l'affrontement guerrier tend vers «l'ascension aux extrêmes», c'est-à-dire vers toujours plus de violence.
 
Raymond Aron, sociologue français, est contemporain de la Seconde guerre mondiale et de la Guerre froide. Inquiet de la succession des «guerres en chaîne», de 1914 à 1945, puis confronté au risque d'une guerre atomique, il interprète Clausewitz de manière optimiste : l'ascension aux extrêmes fait partie du concept de guerre, mais la nature politique de la guerre rend possible une modération des conflits, notamment dans le contexte nouveau de la dissuasion nucléaire. Dès 1947, il résume la situation à travers la formule «paix impossible, guerre improbable» ; la paix est impossible en raison de l'affrontement idéologique entre le monde communiste et les pays occidentaux, la guerre est improbable en raison du fait atomique. Aron est cependant avant tout un réaliste : il constate la permanence du phénomène guerrier à travers l'histoire.

 

14 novembre 2022

 

Le Tres de Mayo de Goya. Le 2 mai 1808, une insurrection avait éclaté à Madrid contre les forces d'occupation françaises. Les 2 et 3 mai, la répression napoléonienne est terrible. Les prisonniers sont fusillés en masse. C'est le sujet du tableau de Goya, qui est donc une œuvre patriotique. A droite, dans l'ombre et de dos, le peloton d'exécution. A gauche, dans la lumière, les fusillés, parmi lesquels se distingue l'homme en chemise blanche étendant les bras : la lumière et la couleur blanche sont symbole de pureté et d'innocence, les bras étendus renvoient à la Passion, à Jésus crucifié. Un moine, reconnaissable à sa tonsure, bénit les victimes dont il va partager le martyre. les Français sont représentés comme des barbares qui ne respectent rien. Autrement dit, l'Espagne catholique perçoit cette guerre comme une guerre sainte contre un occupant diabolique. Napoléon n'avait pas prévu qu'il devrait affronter l'insurrection d'un peuple. L'Espagne avait connu une décadence et n'était plus une puissance militaire. L'armée française était réputée invincible. Cette situation a conduit à la tactique de la guérilla: les partisans espagnols ont harcelé l'armée française qui a réagi par une répression brutale,laquelle accroît encore la haine de l'occupant. Clausewitz a tenu compte de l'expérience espagnole. Il a analysé le potentiel militaire du peuple en armes – ce que nous appelons aujourd'hui une guerre asymétrique.

 

17 novembre 2022

 

Présentation de l'INSP (ex-ENA) : Madame Aude Mailfait, élève à l'INSP, a présenté son école en salle polyvalente le jeudi 17 novembre à 13h.

 

VOIR: L'émission du Dessous des cartes du 11 septembre 2021 : Vingt ans de guerre contre le terrorisme.

LIRE: L'époque des conflits inter-étatiques est-elle terminée ? Une réflexion du général de corps d'armée Benoît Durieux, dans La guerre par ceux qui la font, Paris, éditions du Rocher, 2016. Ce texte sera distribué en classe le 17 novembre.

 

18 novembre 2022

 

Dessin de Gillray (26 février 1805) résumant l'affrontement géopolitique entre l'Angleterre et la France: à gauche, William Pitt, chef du gouvernement britannique, observe avec inquiétude Napoléon qui s'empare de l'Europe tandis que lui-même se réserve les océans. Une puissance navale et une puissance continentale se font face.
 
Quelques mois plus tard, la vision de Gillray se concrétise: le 21 octobre 1805, l'amiral anglais Nelson écrase la flotte franco-espagnole à Trafalgar, au large de l'Espagne. Si Nelson est mortellement blessé, il n'en remporte pas moins une victoire décisive, puisque la suprématie navale anglaise est ensuite assurée, bien au-delà de l'époque napoléonienne. Le 2 décembre, Napoléon défait les Austro-russes à Austerlitz en Bohême. C'est une grande victoire, où s'est manifesté le génie militaire de Napoléon, mais ce n'est pas un succès stratégique. Seule l'Autriche capitule. Surtout, Napoléon ne peut plus rien contre l'Angleterre qui va, inlassablement, susciter de nouvelles coalitions contre l'Empire français. La stratégie du blocus continental, destinée à ruiner l'Angleterre, fut finalement inefficace. Les Anglais soulèvent l'Espagne contre Napoléon et l'armée française s'enlise face à l'insurrection d'un peuple : une guérilla. Pour en finir, Napoléon lance en 1812 la Grande Armée contre la Russie. Cette opération démesurée conduisit au désastre. La puissance financière et maritime de l'Angleterre a eu finalement le dessus sur la puissance militaire de la France.

 

21 novembre 2022

 

 

Quelques-uns des quatre-vingt-dix soldats français tués en Afghanistan, auxquels s'ajoutent environ sept cents blessés, certains d'entre eux gravement mutilés. Photo publiée par Le Nouvel Observateur en 2011. La France, membre de l'OTAN, a participé à l'intervention en Afghanistan qui a suivi le Onze-septembre. Cette intervention reste le seul exemple d'activation de l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord qui stipule qu'une attaque contre l'un des membres de l'alliance est une attaque contre tous. Les circonstances étaient paradoxales à deux titres : les États-Unis étaient attaqués, alors que l'Alliance atlantique avait été conçue pour garantir une intervention américaine pour défendre l'Europe occidentale pendant la Guerre froide ; par ailleurs, l'Afghanistan n'est pas dans la zone géographique prévue par le traité.
 
La France a participé à cette guerre jusqu'à la fin de l'année 2014. Les Américains y ont mis un terme en 2021. Ce fut un échec stratégique, puisque l'objectif, l'élimination des chefs d'Al Qaïda, ne fut pas atteint par ce moyen. C'est une opération commando américaine qui permit d'abattre Oussama Ben Laden au Pakistan le 2 mai 2011, avec une remarquable économie de moyens. Peut-être aurait-il été possible d'interrompre la guerre à ce moment-là. Dans cette guerre asymétrique livrée dans un environnement de haute montagne, la tâche des soldats alliés était très difficile. Ils étaient souvent perçus comme une force d'occupation et ne parvenaient pas, le plus souvent, à assurer la sécurité des Afghans opposés aux talibans. Il y eut beaucoup de pertes dans des embuscades ou dans l'explosion de bombes artisanales. Le terrain rendait malaisé l'emploi de l'aviation en soutien des troupes au sol. Signe de l'échec, les talibans ont repris le pouvoir à Kaboul juste après le départ des Américains.

➣ Un corrigé pour le devoir du 17 octobre 2022 sur l'environnement (voir aussi en rubrique «méthodes»).

 

Dans cette séance, nous achevons l'axe 1 avec l'étude d'une forme de guerre irrégulière : le terrorisme islamiste du XXIe siècle.