Thème 4. Identifier, protéger et valoriser le patrimoine: enjeux géopolitiques.
5 janvier 2023
➣ Comment la notion de patrimoine a-t-elle évolué pour devenir un enjeu mondial ?
Introduction : construction et élargissement de la notion de patrimoine
Exemples:
- Du patrimoine privé : la vente du château de Verteuil par les La Rochefoucauld dans Le Figaro du 5 octobre 2020...
- ... aux politiques publiques nationales : un projet présidentiel, la restauration du château de Villers-Cotterêts pour en faire une cité de la langue française, dans Le Monde du 13 octobre 2020...
- ... et à l'échelle internationale : le classement des climats de Bourgogne au patrimoine mondial par l'UNESCO le 4 juillet 2015 sur le site patrimoine.dijon.fr. Video YouTube [7'22"]. Voir aussi la page du groupe LVMH annonçant le classement des climats de Bourgogne, parallèlement au classement de plusieurs célèbres caves de Champagne également propriété du groupe.
Le vignoble de la Côte d'Or en Bourgogne. les «climats» sont nommés en italiques. Ce sont de petites parcelles. Il faut utiliser la carte à grande échelle pour les voir apparaître. Parmi les noms, plusieurs correspondent à crus de très grande réputation, comme le Clos de Vougeot.
Le vignoble de Morey-Saint-Denis, avec le clos des Lambrays, propriété de LVMH. Deux remarques : la hiérarchie des crus d'une part ; d'autre part la petite taille des parcelles. On est ainsi frappé par le contraste entre le caractère très local des «climats» (grande échelle) et les enjeux économiques et culturels mondiaux, attestés par le classement de l'UNESCO, mais aussi par l'implication d'une firme transnationale comme LVMH. Deux milliardaires sont désormais voisins dans ce village bourguignon : Bernard Arnault, PDG et principal actionnaire de LVMH, et François Pinault, qui possède le Clos de Tart, séparé par la route du clos des Lambrays.
➣ Et au Portugal, la vallée viticole du Haut Douro, classée par l'UNESCO en 2001, sur le site de l'UNESCO.
La Frauenkirche, ou église Notre-Dame de Dresde, une église luthérienne, est un chef-d'œuvre de l'architecture baroque du XVIIIe siècle. Elle fut réduite en ruines par le bombardement du 13 au 15 février 1945, qui anéantit le centre-ville de Dresde à la fin de la Seconde guerre mondiale. Jusqu'à la réunification allemande de 1990, ses ruines rappelèrent la guerre et la responsabilité du régime nazi dans son déclenchement. Mais la décision de ne pas la relever venait aussi de la répugnance du régime communiste de la République démocratique allemande (RDA) à restaurer un monument chrétien.
Les choses changent avec la réunification : le gouvernement allemand, mais aussi des souscriptions internationales (aux États-Unis, en France, etc.) permirent la reconstruction de l'édifice entre 1994 et 2005. Dresde étant la capitale du Land (région) de Saxe, dont l'existence administrative avait été supprimée par le régime nazi puis par la RDA, il y eut aussi une forte motivation à l'échelle locale pour rendre à la ville ce monument remarquable. On décida de le reconstruire à l'identique. Il y eut pourtant des voix, minoritaires, pour s'opposer à la reconstruction. L'argument était que les ruines avaient une fonction pédagogique : elles rappelaient les erreurs et les crimes du passé. Aujourd'hui, la Frauenkirche, outre son rôle cultuel principal, est un lieu de concerts de réputation internationale. On voit comment sa reconstruction permet à l'Allemagne et à la Saxe de se réaffirmer, de manière tout à fait pacifique, à l'échelle de l'Europe et du monde. Le patrimoine recouvre des enjeux géopolitiques.