12 janvier 2023
Visite de l'ancienne centrale nucléaire de Brennilis.
➣ Quels sont les enjeux géopolitiques autour de Brennilis ?
➣ Où est Brennilis ? Quels sont les enjeux ?
- Un enjeu de connaissance avec l'émergence de la physique nucléaire au XXe siècle, et notamment en France avec Henri Becquerel, Pierre et Marie Curie, Frédéric Joliot-Curie.
- Un enjeu économique et d'aménagement du territoire: le réacteur à eau lourde de Brennilis était à mi-chemin entre le prototype et le réacteur industriel. Il résulte des recherches du CEA, est mis en œuvre par la compagnie nationale EDF, le secteur de l'énergie étant nationalisé.
- un enjeu de puissance, le nucléaire : source d’énergie, moyen de souveraineté (par l’autonomie énergétique, mais aussi sur le plan militaire, dans le cadre de la stratégie de dissuasion);
- le démantèlement et ses difficultés: une bataille juridique, mais aussi la perspective d'une filière française de démantèlement (on retombe sur un enjeu économique);
- un choix de société, donc un choix politique. L'énergie atomique pose en effet des problèmes à différentes échelles : les déchets, les risques d’accident, la prolifération, les incertitudes (certains de nos partenaires européens se sont engagés dans la sortie du nucléaire);
- l’enjeu environnemental: le Yeun Elez, au cœur des Monts d’Arrée, espace de la Bretagne intérieure, périphérique, récemment dévasté par les incendies.
➣ Présentation du site EDF de Brennilis.
La centrale de Brennilis a fonctionné de 1967 à 1985. Elle utilisait de l'uranium faiblement enrichi, de l'eau lourde (deutérium) comme modérateur, et était refroidie par du gaz carbonique. C'était une technologie purement française, finalement abandonnée dans les années 1970 au profit d'une filière américaine, dite à eau pressurisée.
La centrale de Brennilis a fonctionné de 1967 à 1985. Elle utilisait de l'uranium faiblement enrichi, de l'eau lourde (deutérium) comme modérateur, et était refroidie par du gaz carbonique. C'était une technologie purement française, finalement abandonnée dans les années 1970 au profit d'une filière américaine, dite à eau pressurisée.
Brennilis est située dans les Monts d'Arrée, dans la région humide du Yeun Elez. C'est un hinterland isolé. La construction de la centrale représentait une promesse d'activité, de développement économique.
L'environnement: la carte à grand échelle montre bien l'isolement de la centrale, ainsi que l'espace environnant. La dépression du Yeun Elez est occupée par le réservoir Saint-Michel ainsi que par des tourbières. On aperçoit à l'Ouest le Mont Saint-Michel de Brasparts qui a été dévasté par les incendies de l'été 2022. Les feux de tourbe ont brûlé jusqu'en septembre.
La connaissance: la physique nucléaire a émergé dans la première moitié du XXe siècle et la France y a joué un grand rôle. On voit ici, en 1948, le physicien Frédéric Joliot-Curie (à droite) observant le fonctionnement de Zoé, la première pile atomique française. Joliot-Curie était le gendre de Marie Curie. Il fut écarté du Commissariat à l'énergie atomique pendant la Guerre froide à cause de son engagement communiste.
L'atome est en effet un enjeu de puissance, dans plusieurs dimensions. La première est économique. L'énergie atomique permet de produire de grandes quantités d'électricité sans dépendre du pétrole. C'est donc un moyen de souveraineté. Mais c'est aussi l'enjeu des armes nucléaires. En 1960, la France faisait exploser sa première bombe atomique au Sahara. En 1967, on voit ici le général de Gaulle à Cherbourg, pour le lancement du Redoutable, le premier sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE), destiné à la base de l'Île Longue.
La société du secteur public EDF exploite les centrales nucléaires. Le parc de centrales fut mis en service sous l'autorité de grands commis de l'État comme Paul Delouvrier (1969-1979) et Marcel Boiteux (1979-1987) que l'on voit ici à la télévision en 1974.
Le nucléaire a suscité des oppositions, pour deux raisons semble-t-il: la première est que la maîtrise de l'énergie atomique a été révélée au monde par les massacres d'Hiroshima et de Nagasaki en 1945. La seconde raison tient au fait que les autorités ont souvent manqué de transparence dans leurs politiques nucléaires. Cette image est extraite de la bande dessinée de Fournier, L'Ankou, un épisode des aventures de Spirou et Fantasio publié en 1976. L'album est résolument, comme le montrent les phylactères, dans le camp des antinucléaires.
Si l'opposition à la construction de Brennilis fut faible, il y eut en revanche une forte mobilisation pour rejeter le projet de centrale nucléaire à Plogoff. Dans l'intervalle, la société française avait changé avec Mai 68, la prise de conscience écologique du début des années 70 et l'affirmation du régionalisme breton. On voit ici des enfants de Plogoff lors d'une manifestation en mai 1980. François Mitterrand, élu l'année suivante, annula le projet.
➣ Pour en savoir plus, l'histoire de l'énergie nucléaire en France sur le site de la Société Française d'énergie nucléaire, la SFEN.
➣ L'histoire de l'arme nucléaire française par la Direction des applications militaires (DAM) du CEA.
➣ Marie Curie et la découverte de la radioactivité en podcasts (Radio France).
➣ L'exposition Résistance et dissuasion organisée par la Bibliothèque nationale de France (BnF) en 2017. Voir aussi les documents complémentaires: de la bataille de l'eau lourde en 1940 aux accords de Lancaster House en 2010.
➣ E brezhoneg: «An nukleel», podcast Deomp dezhi, abadenn ar vugale (Radio Kerne).