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La commémoration par France Culture du quatrième centenaire du voyage de Magellan (1519-1522) en 2019.

9 décembre 2024

Histoire

Chapitre 3. L'ouverture atlantique : les conséquences de la découverte du Nouveau Monde

➣ Comment le monde bascule-t-il vers l'Atlantique à partir de la fin du XVe siècle ?

1 | Deux dates qui ont changé le monde : 1453 et 1492

1453 : La chute de Constantinople et la fermeture de l'Orient méditerranéen


© Hatier

1453 : la chute de Constantinople, prise par les Turcs. C’est la fin de l’Empire byzantin, l’ex-Empire romain d’Orient.
➪ La Méditerranée se ferme. Elle était un axe de communication avec l’Orient, ce qui avait fait la richesse de Venise. La montée en puissance de l’Empire ottoman amène le déclin des républiques marchandes italiennes comme Venise.

1492 : Christophe Colomb découvre le Nouveau Monde


© Hatier

1492 : un marin italien, Christophe Colomb, génois, au service des souverains espagnols, Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille, tente de découvrir une route vers l’Asie en passant par l’Ouest. Il cherche en effet à éviter les Turcs.

❑ Les moyens : des navires capables d’affronter la haute mer (caraques, caravelles), dotés de gouvernails efficaces, et d’instruments de navigation (astrolabe, boussole, compas). En revanche, Colomb ne sait pas à quelle distance se trouve l’Asie qu’il recherche. Il n’imagine pas qu’il puisse y avoir un continent entre l’Europe et l’Asie.

 

Colomb reçoit des présents des indigènes tandis que ses compagnons dressent une croix de bois. Théodore de Bry (1528-1598), Francfort, 1592. © BnF.

VISITER : L'Âge d'or des cartes marines, exposition de la Bibliothèque nationale de France (2012-2013). Voir aussi la présentation de l'exposition en video [6'16"].

➣ un basculement du monde : la découverte du Nouveau Monde révolutionne les rapports de puissance économiques et géopolitiques, d’abord au profit de l’Espagne. Elle change aussi l’idée que les Européens se faisaient de l’humanité, puisqu’ils découvrent un monde habité, qu’ils vont conquérir. On parle des conquistadores espagnols.

12 décembre 2024

2 | La naissance des empires coloniaux espagnol et portugais et la destruction des civilisations précolombiennes

❑ Civilisations précolombiennes : celles qui existaient jusqu’à l’arrivée de Christophe Colomb, autrement dit les Aztèques, Incas, Mayas, etc.


© Bibliothèque nationale de France

Des Indiens malades de la variole. L'irruption des conquistadors provoque un choc microbien dans le Nouveau Monde. Dépourvus de défenses immunitaires, les Indiens subissent une mortalité terrible du fait de la variole et de la rougeole. La population s'effondre au cours du XVIe siècle. Les estimations sont difficiles, faute de données sur la situation de départ. Les historiens pensent que la population du Mexique aurait pu tomber de 11 millions à la fin du XVe siècle à 1,5 million au début du XVIIe ; celle du Pérou de 10 millions à 580 000. Les Indiens caraïbes, peut-être un million à l'arrivée de Colomb, ont quasiment disparu.

16 décembre 2024

L'inflation : le gonflement de la masse monétaire, en l'occurrence l'arrivée massive d'or du Nouveau Monde en Espagne. La valeur de la monnaie diminue, puisque les biens disponibles n'augmentent pas de la même manière que la quantité de monnaie mise sur le marché. Il en résulte une hausse des prix. L'inflation a été amplifiée lorsque, pour faire face à des dépenses toujours plus grandes alors que les corsaires anglais pillaient les galions des flottes de l'or espagnoles, on se mit à ajouter du cuivre pour remplacer l'or dans les pièces de monnaie. La monnaie était ainsi dévaluée. Ceux qui avaient encore de l'or préféraient le thésauriser plutôt que de le remettre en circulation : « la mauvaise monnaie chasse la bonne », selon la loi énoncée par le financier anglais Thomas Gresham en 1558.

➣ Textes sur les conséquences des Grandes découvertes : le journal de Christophe Colomb (1492), le Traité de Tordesillas (1494), l'explication de l'inflation par Jean Bodin (1568) et les interrogations de Montaigne sur le sort des Indiens (1588).
Version annotée en classe.

 

Les empires coloniaux espagnols et portugais et le méridien de Tordesillas. © Hatier

 

19 décembre 2024

3 | Bilan des Grandes découvertes

❑ Pour la géographie, c’est une révolution : le monde est augmenté du Nouveau Monde (les Amériques et les Antilles), ainsi que d’une cartographie des océans (grâce à Magellan et Elcano). Il reste principalement à connaître les régions polaires (explorées au XXe siècle) et les régions équatoriales (Afrique et Amazonie).
le basculement du monde de la Méditerranée vers l’Atlantique, avec la naissance du monde moderne. Celui-ci s’achève peut-être avec le basculement vers l’Asie-Pacifique qui a commencé à la fin du XXe siècle et la montée en puissance de la Chine. C'est aussi, bien sûr, la naissance de l'Amérique latine.

❑ Sur le plan géopolitique : l’Espagne est le grand gagnant au XVIe siècle, autrement dit la famille des Habsbourg, qui règne sur l’Autriche et le Saint-Empire Romain Germanique. Charles Quint, empereur et roi d’Espagne, peut dire que le soleil ne se couche jamais sur son empire. Cette prépondérance espagnole décline dès la fin du XVIe siècle : l’Angleterre s’en prend avec succès au commerce maritime espagnol, les successeurs de Charles Quint s’enlisent dans des guerres interminables (contre la France, aux Pays-Bas).

❑ Sur le plan moral (➙ texte de Montaigne sur la fiche).

6 janvier 2025

La controverse de Valladolid (1550-1551)

À partir de 1501, la couronne espagnole avait créé le régime de l'encomienda. Des villages indiens entiers étaient livrés aux colons espagnols et soumis au travail forcé. En échange, les colonisateurs devaient inculquer le christianisme à cette main d'œuvre gratuite. Mais en 1537, par les bulles (lettres officielles) Veritas ipsa et Sublimis deus, le pape Paul III (1534-1549*, ci-contre) affirme que les Indiens sont des êtres doués de raison et de dignité, qu'il faut respecter leurs personnes et leurs biens, et les convertir sans violence. Il interdit donc leur asservissement.

En 1550, l'empereur Charles Quint (1520-1558*, ci-contre) demande l'avis de deux prêtres, afin de savoir s'il est légitime d'utiliser la violence pour christianiser les habitants du Nouveau Monde. C'est la controverse de Valladolid. Juan Ginès de Sepulveda (1490-1573), précepteur du prince héritier, pense que oui. Bartolomé de Las Casas (1484-1566), qui a vu les horreurs de la colonisation, défend les Indiens. Il est parvenu dès 1542 à inspirer à l'empereur les « lois nouvelles », qui interdisent l'asservissement des Indiens, mais celles-ci restent lettre morte (elles sont sans effet) : les encomiendas, qui devaient être supprimées, ne le furent pas.

(*) Dates de règne.

 

On appliquera aux deux textes de la controverse la méthode d'explication utilisée dans la séquence précédente :

  1. Qui est l'auteur ? Ici, ils sont deux : qu'ont-ils en commun ? Qu'est-ce qui les différencie ?
  2. Quel est le contexte du document ? (La situation générale mais aussi pour Charles Quint, pour le pape, pour les Amérindiens ?)
  3. Que nous apprend le document ? (autrement dit l'analyse du document) et
  4. Est-ce que ce qu'il nous dit est vrai ? (ou est-ce qu'il nous dit bien tout ?), ce qui correspond à un regard critique sur le document.

On apportera ici deux modifications à la méthode :

Le discours de Sepulveda

« Il est totalement contraire à la raison de dire comme l’évêque de Chiapas [Bartolomé de Las Casas] que les Indiens ne doivent pas être asservis avant leur conversion mais après […]. Sa Majesté ne ferait pas son devoir et ne respecterait pas le commandement du Christ de répandre la foi et ces gens misérables qui n’ont pas été asservis ne se convertiraient pas. En effet, si les Indiens ne doivent pas être asservis, des gens de guerre n’iront pas veiller à la sécurité des prédicateurs, à leurs frais, comme cela s’est fait jusqu’à présent… Et même si le roi voulait faire cette dépense et envoyer des gens, il ne trouverait personne pour aller si loin, les gens de guerre s’exposent à tous les dangers à leurs frais, dans l’espoir d’un bénéfice tiré des mines d’or et d’argent et de l’aide des Indiens soumis […]. Je dis qu’il est licite d’asservir les barbares pour leur faire abandonner l’idôlatrie et les mauvais rites, pour les empêcher de faire obstacle à la prédication, pour les convertir avec plus de liberté et de facilité et qu’ensuite ils ne puissent plus retourner en arrière ni tomber dans des hérésies; pour qu’ils s’affermissent toujours plus dans la foi grâce à la compagnie des chrétiens espagnols et perdent les rites et les coutumes barbares. »

La réponse de Las Casas

« Est-ce que passer les infidèles au fil de l’épée et les mettre en pièces par et pendant les guerres sont des œuvres louables parmi les infidèles, qui rendent les chrétiens dignes d’être loués par eux et qui les empêchent de blasphémer le Christ ? Sont-elles des œuvres de tempérance et de sobriété avec lesquelles nous devons, nous les chrétiens, les fréquenter et les instruire ? Si nous suivons cette voie pour la prédication de la foi, éviterons-nous le jour du jugement la damnation éternelle ? Celui qui justifierait et encouragerait cette voie pourra-t-il y échapper ? […]. Une fois les Indiens morts, volés, affligés, effrayés et scandalisés, leurs femmes et leurs filles violées et déshonorées, poussés à haïr la foi et la religion chrétienne, toutes ces œuvres étant celles des soldats, que cherche le docteur Sepulveda si ce n’est à faciliter et cautionner les vols et les conquêtes des soldats car c’est là tout ce qu’ils veulent […]. Est-ce que les Apôtres envoyaient devant eux comme le veut le docteur, des voleurs, des brigands, des tueurs, des tyrans vicieux et abominables ? […] C’est contre cet aveuglement et cette plaie que je plaide, pour que les rois de Castille ne perdent pas les Indes, pour que la perte totale de tant de gens, le dépeuplement de tant de lieues de terre ne se produisent pas, comme cela arrivera bientôt, pour empêcher les châtiments que Dieu inflige et les plus cruels qu’il va infliger à toute l’Espagne pour cela. »

9 janvier 2025

Nous terminons l'étude de la controverse de Valladolid.

Document de travail avec les deux textes et une grille d'analyse.

Et nous revenons sur la méthode d'étude d'une image en histoire, en réutilisant l'image du débarquement de Christophe Colomb dans le Nouveau Monde.