
Le 31 mars 1146, Bernard de Clairvaux (1090-1153) prêche la croisade à Vézelay et remet la croix au roi de France Louis VII. C'est le point de départ de la deuxième croisade. Il s'agissait de secourir les États latins (chrétiens) créés en Orient à la suite de la première croisade (1099). En 1145, la pape Eugène III avait confié à Bernard la prédication de la croisade : il devait prêcher pour inciter les chevaliers à y aller, malgré les risques. Bernard de Clairvaux participa aussi à la création de l'ordre des templiers, moines soldats chargés de protéger les pèlerins. Finalement, la 2e croisade fut un échec : vaincus à Damas (Syrie) en juillet 1148, les croisés, commandés par Louis VII et l'empereur Conrad III, durent rembarquer. Bernard de Clairvaux fut canonisé (déclaré saint) en 1174.
4 novembre 2024
Histoire
Chapitre 2. La Méditerranée médiévale : espace d’échanges et de conflits à la croisée de trois civilisations

La Méditerranée au XIe siècle, divisée entre trois civilisations : la chrétienté latine (catholique) en Occident, grecque (orthodoxe) en Orient, et l'Islam, que la conquête arabe, menée comme une « guerre sainte » (djihad), avait mené jusqu'en Espagne après la conquête de l'Afrique du Nord. Au XIe siècle, la chrétienté mène des croisades sur deux fronts : en Orient pour libérer le tombeau du Christ, mais aussi en Espagne avec la Reconquista. Les musulmans, politiquement divisés, reculent en Espagne mais résistent en Orient. L'empire byzantin, pris en tenaille entre les dynamiques latine et musulmane, est de plus en plus en difficulté.
1 | Trois civilisations
On appelle ainsi un ensemble géographique dont la population partage une culture commune, sans avoir forcément une unité politique. C’est une notion générale, au contenu imprécis (il faut donc s’en méfier) mais malgré tout assez concrète.
Ex : l’Europe aujourd’hui. Malgré des différences de langues, malgré l’existence de nombreux États, des différences religieuses, les Européens ont en commun l’attachement à la démocratie, à l’État de droit, à la protection sociale par la redistribution des richesses. C’est aussi la conscience d’un héritage historique : l’empreinte gréco-romaine, l’empreinte chrétienne (les cathédrales), les idées des Lumières.
Remarque : l’Europe en tant que civilisation ne correspond pas exactement à l’UE. Le Royaume-Uni (malgré le Brexit) appartient à la civilisation européenne, la Suisse aussi. La Russie, qui est eurasiatique, se sépare aujourd’hui de la civilisation européenne par son régime politique. Russie et Turquie ont une histoire très liée à celle de l’Europe, mais elles appartiennent à des civilisations distinctes.
Les États-Unis sont nés de l’émigration européenne, mais la civilisation américaine est différente de la civ° européenne, par exemple, la civ° américaine est plus individualiste, plus réticente à l’égard de la sécurité sociale, plus encline à accepter les armes à feu et l’autodéfense. On parle pourtant souvent de civ° occidentale, ce qui correspond aussi à la réalité géopolitique de l’alliance entre les États-Unis et l’Europe de l’Ouest, avec une organisation comme l’OTAN. On peut aussi parler d’une civilisation anglo-saxonne (USA, Canada, Royaume-Uni, Australie et Nlle Zélande).
7 novembre 2024
a) l’empire byzantin :
- c’est l’empire romain d’Orient qui a survécu.
- il combine l’unité politique et l’unité religieuse :
- l’empereur (basileus = roi) est un souverain quasi-absolu (en pratique, la législation très précise limite un peu son pouvoir).
- la religion orthodoxe = le christianisme de liturgie grecque.
La liturgie = l’ensemble des cérémonies et rites appartenant au culte].
- l’empereur est le garant des droits de l’église orthodoxe qui soutient la légitimité impériale. C’est un couple de légitimités qui s’est prolongé à travers le pouvoir impérial russe jusqu’à la Russie de Poutine.
- une situation inconfortable sur le plan géopolitique : un empire central, donc susceptible d’être attaqué aussi bien par les musulmans que par les chrétiens d’Occident.
b) la Chrétienté latine (catholique) :
- unité religieuse : elle reconnaît l’autorité spirituelle du pape, l’évêque de Rome. La langue liturgique est le latin.
- mais une profonde division politique. Dans la chrétienté, existe alors la société féodale : des seigneurs possèdent des fiefs. Les seigneurs sont des chevaliers (milites = soldats). Ils sont organisés par des liens hiérarchiques entre vassaux (dominés) et suzerain (dominant). Au sommet les princes, rois, l’empereur du Saint-Empire romain germanique (à partir de 962) qui n’ont pas de suzerain. Entre les princes, mais aussi entre suzerains et vassaux, les conflits étaient fréquents. L’Église a considéré qu’il était dans son rôle de les empêcher ou de les réguler. La société comprenait trois ordres : les combattants (chevaliers), les laboureurs et ceux qui prient (le clergé). Les guerres pesaient lourdement sur les laboureurs, gênaient aussi les villes marchandes qui commençaient à se développer.
c) l’Islam
- une unité religieuse (en tout cas sur les bords de la Méditerranée).
- mais pas d’unité ethnique : les Arabes ont islamisé des Berbères au Maghreb, les Turcs viennent d’Asie centrale et ne sont pas arabes.
- ni d’unité politique, puisque celle-ci (le Califat) a cessé d’exister dès la seconde moitié du VIIe siècle.
En fait, les divisions politiques des musulmans vont faciliter le succès initial des croisades lancées par l’Église.
7 novembre 2024
2 | Un moment de conflit, la deuxième croisade (1146-1149)
❑ les croisades sont des expéditions militaires lancées par le pape pour libérer le tombeau du Christ. Elles aboutissent à la création des États latins d’Orient à partir de 1099.
➣ Document : lettre de Bernard de Clairvaux à Pierre le Vénérable, abbé de Cluny (1146).
❑ L'histoire s'écrit. Elle n'est pas toute faite. On l'écrit en s'appuyant sur des documents, qui sont les sources des historiens. Or, les documents expriment souvent un parti pris. Ils sont rarement objectifs. Il faut donc les lire attentivement. La méthode que nous appliquerons passera par quatre étapes :
- Qui est l'auteur ?
- Quel est le contexte du document ?
- Que nous apprend le document ? (autrement dit l'analyse du document) et
- Est-ce que ce qu'il nous dit est vrai ? (ou est-ce qu'il nous dit bien tout ?), ce qui correspond à un regard critique sur le document.

❑ L’auteur : Bernard de Clairvaux, prêtre, fondateur d’abbayes, prêche la 2e croisade. Un prédicateur.
❑ Le contexte (= la situation historique) :
- dans le temps long, la société féodale, où les seigneurs se font continuellement la guerre;
- plus précisément, le moment où les musulmans mettent en difficulté les États chrétiens issus de la 1re croisade (1144, la chute d’Édesse).
=> la 2e croisade pour aider les États latins menacés.
❑ L’analyse du texte (= son contenu et sa logique)
- l’inquiétude liée à la chute d’Édesse ;
- d’où la croisade (« grande affaire », « expédition sainte »);
- qui est menée par le roi (Louis VII) avec le soutien du clergé (les évêques).
- raison pour laquelle Bernard fait appel à Pierre (on a besoin de toutes les bonnes volontés).
❑ Remarque critique : Bernard a donc besoin de renforts, ce qui suggère que la mobilisation est difficile.
14 novembre 2024
Rappel : contrôle de connaissances sur ce chapitre le lundi 18 novembre.
➣ Exemple d'analyse d'un autre texte de Bernard de Clairvaux.
Le prince Renaud, le « brins Arnat » des chroniqueurs, est arrivé en Orient en 1147 avec la mentalité déjà anachronique des premiers envahisseurs : assoiffé d'or, de sang et de conquête. Peu après la mort de Raymond d’Antioche, il est parvenu à séduire sa veuve puis à l'épouser, devenant ainsi le seigneur de la ville. Très vite, ses exactions l'ont rendu odieux, non seulement à ses voisins alépins, mais aussi aux Roum et à ses propres sujets. En 1156, prétextant le refus de Manuel de lui payer une somme promise, il a décidé de se venger en lançant un raid punitif contre l'île byzantine de Chypre et demande au patriarche d’Antioche de financer l'expédition. Comme le prélat se montrait récalcitrant, Renaud l'a jeté en prison, l'a torturé, puis, après avoir enduit ses blessures de miel, l'a enchaîné et exposé au soleil une journée entière, laissant des milliers d'insectes s'acharner sur son corps. Bien entendu, le patriarche a fini par ouvrir ses caisses et le prince, ayant rassemblé une flottille, a débarqué sur les côtes de l'île méditerranéenne, écrasant sans difficulté la petite garnison byzantine, lâchant ses hommes sur l'île. De ce qui lui est arrivé en ce printemps de 1156 Chypre ne se remettra jamais. Du nord au sud, tous les champs cultivés ont été systématiquement ravagés, tous les troupeaux massacrés, les palais, les églises et les couvents ont été pillés, tandis que tout ce qui ne pouvait pas être emporté était démoli sur place ou incendié. Les femmes ont été violées, les vieillards et les enfants ont eu la gorge tranchée, les hommes riches ont été emmenés en otages et les pauvres décapités. Avant de repartir chargé de butin, Renaud a encore ordonné de rassembler tous les prêtres et les moines grecs, à qui il a fait couper le nez avant de les envoyer, mutilés, à Constantinople.
Amin MAALOUF, Les croisades vues par les Arabes, Paris, J-C Lattès, 1983.
18 novembre 2024
➣ Contrôle de connaissances (corrigé).
3 | Les échanges : Venise, puissance maritime et commerciale

- Venise est située au nord de la Mer Adriatique ; elle est construite sur une lagune.
- C’est une cité-État, une république, dont la prospérité repose sur le commerce maritime.
- Venise étend ses réseaux commerciaux vers l’Orient ; elle crée des comptoirs (relais commerciaux, bases) en Grèce, à Constantinople et dans l’Empire byzantin, au Levant (donc au contact de l’Islam). Elle a aussi des relations avec l’Occident, jusqu’à la Mer du Nord et à la Mer Baltique, ainsi qu’à Londres => une richesse extraordinaire, et une puissance considérable. C’est une « économie-monde » (selon l’historien Fernand Braudel). Les Vénitiens comptent parmi les inventeurs du capitalisme moderne : ils créent des banques, organisent le crédit (les prêts) par des lettres de change.
- Remarques :
- les Vénitiens sont pourtant liés aux conflits : en 1204, ils s’allient aux croisés pour piller Constantinople (sac de Constantinople).
- La prospérité de Venise décline à partir du XVIe siècle. La découverte du Nouveau Monde par les Espagnols et les Portugais fait basculer les courants commerciaux vers l’Atlantique, ce qui marginalise le commerce vénitien.